Introduction...
Des mots au service de votre voie. Alors aujourd’hui, le mot que je voulais évoquer avec vous était le mot de sérendipité.
Ce mot de sérendipité a été un mot inventé par Horace Walpole, en anglais, donc serendipity, pour définir une découverte effectuée à la fois par accident et aussi sagacité. Les deux à la fois. Ce n’est pas que le hasard, et donc il a appelé ce type de découverte, « Sérendipité », en se référant à un conte persan du XVIᵉ siècle qui s’appelle « Les Trois Princes de Serendip ». Donc Serendip dans ce conte, ça renvoie en gros à un royaume qui serait l’actuel Sri Lanka. Donc sérendipité vient de l’arabe « sarandib » et du sanskrit « Suvarnadweepa » qui signifie l’île dorée.
Un roi et ses 3 enfants
Dans ce royaume de Serendip, dans ce conte, le roi local a trois enfants et il souhaite vraiment qu’ils deviennent des hommes très sages, vraiment des bons souverains, des personnes très respectueuses. Et donc, il les met auprès des professeurs les plus érudits, les plus sages et au fur et à mesure des années, il est vraiment impressionné par l’humilité qu’acquièrent ses enfants. Mais il dit : «Les livres, c’est bien, il faut aussi qu’ils aillent voir le monde comme il est, aller de l’avant, voyager.»
3 enfants en voyage
Donc c’est ce qu’ils font. Ils voyagent et en fait, sur la route. Ils vont rencontrer à un moment donné un chamelier qui a perdu un chameau et qui va leur dire : « Vous n’avez pas vu, par exemple, un de mes chameaux que j’ai perdu actuellement ». Et là, en fait, sans même l’avoir vu, ce chameau, ils disent au chamelier : « mais par hasard, votre chameau, est ce qu’il n’aurait pas un œil en moins du côté droit ? ». Le chamelier dit « Si, tout à fait ». L’un des deux autres frères dit : « Par hasard, il n’aurait pas une dent en moins ce chameau ? ». Et là, le chamelier dit : « Si tout à fait, c’est lui ». Et le dernier frère ajoute en plus comme subtilité : « Et il ne serait pas, par exemple boiteux, votre chameau par hasard ?». Le chamelier dit : « Si si, exactement, c’est lui. Et donc, est ce que vous l’avez vu ? » Et donc les trois frères disent que le chameau est sûrement passé par là, par le même chemin qu’eux. Et donc ils indiquent la voie au chamelier qui s’en va chercher son chameau.
Un chamelier qui les accuse
Il ne le retrouve pas et finalement, il va revenir sur ses pas et retrouver les trois frères pour les accuser d’avoir malmené son chameau, parce que pour lui, à tous les coups, ils l’avaient croisé ce chameau et il ne savait pas ce qu’ils en avaient fait. Donc le chamelier porte plainte contre les trois princes. Le roi, le souverain local, est à deux doigts de les sanctionner d’une peine vraiment exemplaire pour avoir fait du mal à ce chameau. Et au même moment, en fait, une autre personne arrive en disant qu’il a bien retrouvé le chameau. Un chameau qui avait bien un œil en moins à droite, qui était bien boiteux et qui avait bien une dent qui lui manquait.
3 frères innocentés
Quand ils ont vu que les trois fils n’étaient pas en cause, on leur demanda : « Mais comment vous avez fait pour savoir tous ces indices alors que vous n’aviez pas croisé ce chameau ? » Et là, un des fils dit « Moi, je sais que par où on est passé, il y avait de l’herbe qui n’était mangée que du côté gauche. Or l’herbe à gauche était beaucoup moins belle que l’herbe à droite de la route. Alors un chameau qui aurait eu les deux yeux aurait mangé l’herbe à droite. Donc s’il a mangé l’herbe à gauche, c’est qu’il devait lui manquer un œil à droite ». Là, les gens sont impressionnés. L’autre frère dit : « Et ben moi, je sais qu’il avait une dent en moins parce qu’en fait, au niveau de comment l’herbe était mangée, il y avait toujours un espace qui n’était pas grignoté, qui était de l’espace d’une dent. Donc je me suis dit qu’il devait lui manquer une dent. Tous les gens sont impressionnés et le troisième frère dit : « Moi, j’avais remarqué qu’au niveau des traces au sol, il y avait une trace qui vraiment signifiait que le chameau en question était boiteux. »
3 frères honorés
Tous ces indices font que tous les gens à la cour se disent que ces 3 frères sont vraiment très observateurs, de fins analystes. Le souverain local les nomme alors conseillers spéciaux, et ils obtiennent une très grande distinction qu’ils n’avaient pas recherchée. D’où cette forme de sérendipité qui est, qu’ils ont pris la route sur les conseils de leur père, pour en gros accroître leur connaissance du monde. Et en fait, ils ont terminé avec une récompense qu’ils n’avaient pas recherchée. Et peut-être que s’ils avaient recherché dès le départ cette récompense, eh bien, ils auraient été beaucoup moins observateurs autour d’eux et que, du coup, ils n’auraient pas vécu cette expérience et qu’ils n’auraient peut-être pas pu montrer autant de manière implacable au souverain local qu’ils étaient des personnes dignes de confiance et des fins analystes.
La sérendipité : un élan, puis de l’observation et de l’analyse
Cela pour dire que moi, en découvrant toute cette histoire, ce qui m’impressionne et pourquoi j’aime autant ce mot, c’est parce qu’à la base, contrairement à quelque chose qui nous arrive vraiment par hasard, dans le terme de sérendipité, il y a quand même un premier élan. On s’est mis en mouvement. On est parti sur une route parce qu’il y avait un premier objectif qui nous donnait envie.
Mais après, une fois qu’on est parti dans ce voyage, et bien, on n’est pas buté à se dire : « Je vais réussir à tout prix, je vais réussir à tout prix ». Parce que parfois, dans certains moments, cette obstination peut amener un manque de présence, un manque de calme intérieur, d’observation, de pouvoir se satisfaire du chemin. A trop se focaliser sur la destination, on en oublie parfois le chemin.
Et ce que j’aime avec la notion de sérendipité, c’est cette notion de se lancer, d’avoir un premier objectif qui nous met en mouvement et en même temps de garder une certaine fraîcheur d’esprit. Une présence, une capacité d’observation. Et tout d’un coup, si on fait une découverte qu’on n’imaginait pas, qui pourrait être très intéressante et bien à nouveau, on se remet à devenir acteur de notre chemin.
C’est à dire qu’au début, la découverte qu’on fait, on est plutôt spectateur de cette découverte qu’on n’avait pas recherchée. Mais tout d’un coup, une fois qu’on se dit : « Ah, ça, ça peut être intéressant pour telle ou telle raison », on redevient à nouveau acteur pour essayer de s’approprier cette découverte pour à nouveau repartir en chemin et découvrir des choses qui nous passionnent.
Ce que j’aime beaucoup avec ce terme de sérendipité, c’est qu’il regroupe des opposés qui permettent d’avoir un équilibre. Pour moi, être à la fois dans l’action et en même temps dans une forme de relâchement… Etre dans une forme de toujours aller de l’avant pour obtenir des choses, et en même temps de ne pas se figer par rapport à un objectif initial et être toujours un peu au contact de ce qui est vivant et des belles choses qui peuvent s’offrir devant nous. Qui peuvent nous donner envie, un jour, d’entreprendre autre chose, de prendre une autre voie, alors qu’on avait une voie principale en tête.
Conclusion
Et donc j’espère que ça vous donnera envie de vous mettre en mouvement, de suivre une première voie qui vous motive énormément. Et après, sur la route, si une voie plus belle se présente, pourquoi pas la prendre et faire à nouveau des magnifiques rencontres. Cela me fait penser à notre épisode d’autostorm sur Flâner, contempler ou agir ?
Voilà, c’était des mots au service de votre voie (MASVV).
